Précisions (cyborg archeology)
Ecartelé, ficelé à la régularité des formes symétriques et croissantes, dans la promiscuité de l’espace, se dégage la précision d’un geste au milieu du brouillard. L’amas de couleurs – atomes désintégrés – flotte et se soustrait, se ramène à la surface qui se fait centre. Des cendres éparpillées sur le parquet et les traits réguliers de la description scientifique. Régularisation de ce qui dévie et qui pénètre. Régularisation du non-identifié, non répertorié, non classifié. L’inconnu, l’étranger, l’exilé. Les frontières se dilatent. Entre les masses compactes et le vide, le trop-plein, l’inconnu décousu au milieu des mots d’une langue qu’on croirait vraie. Lettres calligraphiées du mystique qu’on saisirait presque – si on ne s’y attardait pas. Lorsque l’oral transpose la réalité, alors, un mur s’élève et fait tomber une à une les briques de l’éperdument épris, lentement, au fil des mots qui noircissent les pages. Le remplace le prisme de l’avant-garde, celui au sein duquel on ne parle pas. On se garde de toute démonstration, et le futur est au silence. Il est à la chaire, à la cyprine qui inonde les cuisses et les voix qui se terrent quelque part où résonne l’écho d’une musique grinçante et répétitive. Contracte, dilate, écarte. L’air est tiède. Retourne, détourne, accélère. Se réitère le geste et se serre le poing. S’occupe l’espace.
Les fusibles sautent et la lumière s’éteint.
Le poing se desserre. Un chemin se fraye entre les courbes d’un mouvement circulaire. Les cratères d’une peau brisée aux veines saillantes se frottent au support blanc jauni. La branche motrice du nerf médian souligne le relief de la puissance. Des doigts, solides et sûrs de leur geste prennent posture presque religieuse sur les cimes de la jouissance esquissée.
La musique ralentit, se meut et s’étire, s’agrandit. Elle prend des couleurs froides, et se disperse dans la pièce. Les lignes droites, elles aussi, se courbent, prennent feu, et se laissent fondre puis couler, puis se laissent prendre et puis crier.
Et au milieu du tumulte, sur le côté, des points se dessinent à espace égal. Ils énumèrent dans leur langue natale mais déformée, dépossédée et évolutive, l’ordre ou le nombre de ce qui n’est pas nommé.
Ghaya Belhadj, 2019.