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AICHA SNOUSSI

Au fil des pages : L’étrange univers d’Aïcha Snoussi

Présentée sur le stand de la galerie A.Gorgi lors de la Art Paris Art Fair (du 30 mars au 02 avril 2017) au Grand Palais, Aïcha Snoussi est une jeune artiste tunisienne prometteuse. Née à Tunis en 1989, Aïcha Snoussi vit et travaille entre sa ville natale et Paris. Diplômée de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunis et de l’université de la Sorbonne, la jeune femme se spécialise dans le domaine de la gravure. Par la suite, elle rejoint la résidence d’artistes du centre des Arts Vivants de Radès et intègre la résidence de la Cité des Arts de Paris en 2014.

Qu’il s’agisse de réaliser des fresques murales ou de noircir des cahiers d’école, l’artiste manie l’encre avec la sobriété et la précision d’un scalpel. Des titres de ses œuvres – Golgotha, Saint-André, Fluctuat nec mergitur, Ecce Homo, Baqrüm, Machina Infernalis, Le livre des choses – émergent quelques-uns de ses thèmes privilégiés : la religion, la technologie, la matière, le corps. La dimension métaphysique est prégnante dans chacune de ses réalisations. L’onirisme et l’étrangeté font partie des caractéristiques les plus frappantes de son travail. En découvrant l’œuvre d’Aïcha Snoussi, on ne peut ainsi s’empêcher de penser aux « noirs » d’Odilon Redon, au Jardin des délices de Jérôme Bosch, au surréalisme de Dali ou encore aux mondes imaginaires de grands dessinateurs tels que François Schuiten ou Enki Bilal.

Le livre des anomalies, œuvre présentée lors de la Art Paris Art Fair, nous transporte dans l’univers singulier de cette jeune artiste talentueuse. Peu visible de prime abord, exposée sous la forme de cahiers d’écoliers – posés sagement sur des étagères le long du mur – l’installation se fait discrète. Pourtant, lorsque l’on se penche pour les observer, la découverte est totale et le choc esthétique, violent.

Le papier, comme un corps humain, est torturé, dépecé : les pages sont arrachées, parfois découpées et le papier est dardé de multiples points noirs dessinant des formes irréelles. De la répétition obsessionnelle de motifs quasiment semblables se dégage un sentiment de fascination et de mal-être. Deviner ce que représentent exactement les dessins d’Aïcha Snoussi relève de l’impossible. Les motifs sont indéfinis, la matière flotte et s’éparpille, formant des masses variées et protéiformes. Ici, on pense reconnaître des organes du corps humain ; là, une machine à l’engrenage interminable. Le doute s’instaure et les questions s’enchevêtrent. Le livre des anomalies, c’est l’antithèse de l’encyclopédie du savoir, c’est une œuvre de déconstruction et de reconstruction, tant de la matière que de nos connaissances. À l’opposé des cahiers d’écolier que nous devions apprendre bien sagement, l’œuvre de la jeune femme nous invite à remettre en cause notre savoir en brouillant habilement les frontières. Plonger dans l’œuvre visionnaire d’Aïcha Snoussi c’est déconstruire son regard pour jeter un œil neuf sur le monde.

 

Gwenaël Ben Aissa, 2017